Le Border Collie au troupeau

Contrairement à bon nombre de races sélectionnées selon les critères de notre vie moderne, un grand jardin clos, une grande liberté de mouvement, 2 heures de promenade par jour, des enfants pour jouer et une montagne d’affection ne suffisent pas au Border Collie. Pour un chien calme et apparemment heureux dans un environnement inadapté, des dizaines se sont fait écraser ou finissent à la SPA…On n’efface pas impunément plus d’un siècle de sélection…

Ce chien a un besoin vital de travailler et de se sentir utile. Afin de donner à un Border Collie de véritable « raison de vivre », son maître devra se positionner tout de suite en bon chef de meute, sachant exactement ce qu’il veut et comment l’obtenir. Une diffusion grandissante de cette race auprès d’un publique peu averti entraîne déjà des déviances et troubles de comportement menant à des situations aussi dramatiques qu’irrattrapables qui se répandent telle la mauvaise herbe sur la terre de l’ignorance…

Un border Collie qui serait apparemment heureux en ville est comme un poisson rouge dans son bocal. Alors est-il vraiment malheureux ? A ce sujet, je citerai Jean Piacentino dans son remarquable livre « le Border Collie » paru en mai dernier au éditions « la France Agricole » : « S’il n’est pas exact de prétendre que le besoin de travail du Border ne peut être satisfait qu’au troupeau, en revanche il est indéniable que pour un chien qui dispose d’aptitudes génétique en la matière, seul le troupeau permet le plein épanouissement…. On peut « soûler » un Border de promenades, de courses, ses sauts, etc. : selon le cas et la manière dont cela est fait, on le détend, on le fatigue ou on le stresse, mais c’est véritablement par le troupeau qu’il trouve la plénitude de son équilibre ». Attention, la pratique « sportive » au troupeau n’est pas un « défouloir ». Il ne s’agit pas de s’éclater en jouant à courir autour des moutons 1h par semaine. Cet exercice doit permettre au chien de s’équilibrer et de se réaliser pleinement sur le plan mental bien plus que physique.

Œil, puissance et possession

La faculté unique du Border Collie à provoquer la réaction des animaux à distance résulte de 3 qualités qui lui sont propre : l’œil, la puissance et la possession.
« L’œil » est en fait le « pouvoir de l’œil ». Le border l’utilise pour placer les animaux sous son contrôle en se concentrant sur eux, en les fixant.
« La puissance » permet à l’œil d’exercer une pression sur le troupeau. Il s’agit en quelque sorte de l’influence du chien sur le troupeau. La distance minimum nécessaire entre le chien et les animaux pour les faire réagir augmente proportionnellement à sa puissance. On pourrait définir la puissance comme une sorte d’autorité naturelle ; celle qui plonge toute la classe dans un grand silence à l’entrée d’un professeur alors qu’un autre devra usera toute son énergie pour obtenir le respect des mêmes élèves.
« La possession » résulte d’une subtile équation entre l’œil et la puissance. Elle détermine la manière dont le chien va prendre le contrôle du troupeau (encercler, pousser ou éclater).
De l’équilibre des 3 éléments clés que sont « œil, « puissance » et « possession » va dépendre la capacité du chien à imposer sa volonté aux animaux dans le calme et le respect mutuel. C’est l’un des buts de la sélection du Border Collie.

Imposer le respect et non la crainte

Un chien de faible puissance ou mis trop jeune sur du bétail inadapté aura tendance à devoir mordre pour s’imposer. Il peut alors provoquer la fuite au lieu du mouvement, la crainte au lieu du respect  ou le stress risquant de générer la charge. La morsure correctement gérée est un atout certain mais reste utiliser avec modération : Même un bon chien à bovins ne doit pas mordre, il doit pouvoir mordre. Si, grâce à la puissance qu’il dégage, les animaux sont convaincus qu’il est capable de mordre, ce dernier n’aura pas besoin d’abuser de ses crocs pour se faire respecter. Notons aussi que le même chien faible manquant éventuellement encore de courage pourra aussi palier à un manque de puissance par un mouvement excessif  dans le but de provoquer la réaction des animaux.

Le troupeau, un métier à part entière

Pour travailler au troupeau, il faut un chien, un maître et un troupeau… Les paragraphes suivant s’adressent donc à des éleveurs ovins/bovins/porcins ou caprins. Vous avez le chien mais pas de troupeau ? Mettez-vous donc dans la peau d’un éleveur le temps de lire ce qui suit.  Ensuite, vous achèterez peut-être des moutons !

Un  chien de troupeau bien dressé facilite et sécurise toute manipulation d’animaux dans l’exploitation. Il assiste l’éleveur lors du déplacement, de la contention, du chargement ou du passage en salle de traite de tous types d’animaux (bovins laitiers ou allaitants, ovins, caprins, porcs ou volailles). Toutefois, l’hygiène de vie, l’éducation et le dressage d’un véritable chien de travail au troupeau sont régis par des règles spécifiques. Le rappel «à la croquette», les gros câlins permanents et les jeux avec les enfants ne sont pas de mise… Sans négliger la socialisation, nous devons faire de notre chien un individu indépendant mais très à l’écoute, avec un mental assez fort pour affronter plus tard une brebis suitée ou une vache de 600 kg et seconder sont maître en toute circonstance. Aussi passionnante pour lui que soit cette activité, elle n’a rien d’un jeu !

N’est pas chien de travail au troupeau qui veut. Le bon vieux chien de ferme qui joue avec les enfants, accueille les visiteurs, garde la ferme et finit les restes de cuisine du quartier a certes un côté pittoresque et une certaine utilité mais n’est en rien un chien de travail au troupeau. Le fait qu’il puisse éventuellement suivre les vaches à l’heure de rentrer pour la traite fait affirmer à bon nombre d’agriculteur que leur chien « va aux vaches ». Or un chien de travail ne se contente pas de suivre les animaux mais est capable de leur imposer sa volonté, ou plutôt celle de son maître. Cette notion est une évidence pour les habitués de la tradition pastorale et la mentalité d’un nombre croissant de nouveaux utilisateurs et en pleine évolution. Le chien de travail au troupeau trouve maintenant une place de choix sur des exploitations modernes aux côtés peut-être du bon vieux chien de ferme. L’important restant de ne pas confondre : L’hygiène de vie, l’éducation et le dressage du premier n’ayant rien de comparable aux besoins du second. Un agriculteur qui ne serait pas prêt à consacrer un maximum de temps à son chien (pour en gagner beaucoup ensuite !) ferait mieux d’oublier le Border. Contrairement à ce que peuvent affirmer ceux qui en ont à placer : le Border ne travaille pas tout seul sans dressage et surtout se trouve être un très mauvais « chien de ferme ». Un tel chien, hyperactif, divaguant autour de la ferme est souvent un élément perturbateur pour les animaux, qu’il n’aura cesse de tourmenter en cherchant à exprimer l’instinct de ses ancêtres. Quand aux cyclistes ou représentants, bon nombre se plaignent du comportement étrange de ces chiens noir et blanc envers leurs véhicules ou leur mollets. La plus grande cause de mortalité du Border reste l’écrasement…

Un chien de travail au troupeau se choisit, se considère, se respecte, s’entretient, s’éduque et se dresse en tant que tel. D’où l’importance de s’informer et de se former très rapidement voir avant même l’acquisition d’un tel chien. 

Comment ça marche ?

Le Border Collie est doté d’un fabuleux instinct de rabatteur. Au sein de la meute de ses ancêtres, il avait pour mission de rabattre les proies vers le chef de meute qui tuait, se nourrissait et laissait le reste du clan s’alimenter ensuite. C’est cet instinct qui est utilisé aujourd’hui pour le travail au troupeau. Mais aujourd’hui, le chef de meute, c’est vous et vous devez jouer votre rôle avec beaucoup de sérieux ! En échange de leur travail, le chef de meute assurait protection, nourriture et survie à ses « subordonnés ». Votre chien aura donc « instinctivement » envie de rassembler les animaux avant de les pousser vers vous. A vous de vous comporter en bon chef de meute en entretenant correctement votre chien de travail. S’il peut compter sur vous, vous pourrez compter sur lui et mettre son instinct a votre service par une éducation et un dressage à la hauteur de vos ambitions !

Relationnel

La relation maître-chien est l’élément clé de tout dressage efficace au troupeau. Du regard que vous portez sur votre chien  dépendra le respect et la considération que ce dernier aura pour vous. Il se donnera corps et âme à un chef de meute protecteur, aimant, droit, respectueux, clair, constant. Soyez un maître idéal, vous aurez un chien idéal ! La solidité de cette relation doit être à la mesure de l’intérêt que votre chien portera au troupeau. Si votre chiot n’a d’yeux que pour vous (et pas pour les chats, les enfants ou les poules…) dès ses premières semaines, vous aurez encore une chance d’exister dans son esprit quand il va se déclarer aux animaux. Vous pourrez alors lui demander d’imposer votre volonté et non la sienne à votre troupeau.

Le Dressage au troupeau

Une fois les bases de l’éducation assimilées et le chien déclaré, on pourra débuter le dressage au troupeau sur le cercle (voir shéma) avec un petit groupe d’animaux doclies, stabilisé par une clôture. En voici très sommairement  le principe: L’instinct de rabatteur évoqué plus haut poussera votre chien à tourner autour des animaux et à se positionner en face de vous par rapport à eux (position midi imaginant les animaux au centre du cadran d’une montre). Si vous vous déplacez sur votre gauche ou sur votre droite, votre chien aura tendance à faire de même et vous en profiterez pour lui apprendre les directions qui pourront plus tard devenir indépendantes de votre propre position ou du mouvement des animaux.
Dans un premier temps, vous devez interdire formellement l’accès au « triangle interdit » à votre chien. Ce dernier ne devra en aucun cas passer entre vous et les animaux. Au besoin approchez-vous du cercle. Cette habitude l’empêchera de repasser devant le troupeau lorsqu’ils prendront votre direction depuis le fond du parc.
Ne jamais emmener un chien en laisse derrière les animaux (il serait dans le triangle interdit). Votre place est devant le troupeau et la sienne derrière et sur les côtés. Ce n’est que bien plus tard que viendra l’apprentissage de la poussée (visant à éloigner les bêtes de vous), la séparation, la morsure ou le travail au sifflet...
Le border est tellement réceptif que nous avons toujours tendance à brûler les étapes. Pas d’utilisation (même juste pour aller chercher les vaches vite fait…) sans dressage et pas de dressage sans éducation préalable. Au bout d’un an déjà, votre chien vous rendra de nombreux services. Toutefois, les plus exigeants diront qu’il faut 2 ans et près de 300 heures de dressage pour faire un bon chien…
N’oubliez pas de laisser votre chien grandir et mûrir. Un petit retour en arrière est parfois nécessaire.
Le secret du meilleur travail au troupeau est un savant équilibre entre soumission et initiative. Sans le laisser faire n’importe quoi, attention de ne pas « casser » votre chien…

Les stages de formation au dressage

Comme tout nouvel outil de travail, un bon mode d’emploi est nécessaire pour une utilisation optimale du « produit » et la diminution des risques de casse… Les chambres d’agricultures et associations locales d’utilisateurs  accueillent régulièrement les formateurs de l’Institut de l’Elevage pour des stages dont la nécessité  est une évidence pour tout nouvel utilisateur. Il paraît même judicieux de suivre une de ces formations avant même de choisir son chien.

Même (ou surtout) si vous n’avez pas de troupeau, le meilleur sinon le seul moyen de connaître un peu le Border Collie est sans doute de l’observer et/ou de l’utiliser dans le contexte voulu par ses gènes. Vous pouvez démonter pièce par pièce une formule 1 dans votre garage, vous ne pourrez pas la connaître sans la voir ou  l’essayer sur un circuit. Réservés dans un premier temps aux utilisateurs agricoles, de plus en plus de stages de formations accessibles à tout publique avec des moniteurs troupeau de la SCC sont organisés aujourd’hui à travers toute la France.

(source Anne Moreillon)